Comment l'Italie pousse vers la sortie le PDG de STMicroelectronics
Depuis l'année dernière, Rome pèse de tout son poids pour virer Jean-Marc Chéry le PDG du groupe de semi-conducteurs, mis en cause par une class action déposée à New-York que j'ai pu consulter.

L’affaire n’est pas évoquée par la presse française1. Elle fait pourtant les gros titres de la presse italienne la plus sérieuse depuis plusieurs semaines. Et elle empoisonne la vie d’un groupe ô combien stratégique : STMicroelectronics. Cette société franco-italienne de 51 500 salariés (12 000 en France) fabrique des semi-conducteurs, notamment pour l’industrie automobile mais aussi pour Apple et ses Iphones, ou pour Space X et Starlink d’Elon Musk. Né en 1987 du rapprochement entre une filiale du groupe français Thomson et un groupe italien (Società Generale Semiconduttori), le fabricant a toujours fait l’objet de passes d’armes diplomatiques et industrielles entre la France et l’Italie. Mais aujourd’hui, les menaces sont autrement plus sérieuses. Les dirigeants de STMicroelectronics, le PDG Jean-Marc Chéry et le directeur financier du groupe, Lorenzo Grandi, sont ainsi visés par une class action d’actionnaires américains, que j’ai pu lire en détail, devant un tribunal de New York, concernant des faits allant du 14 mars 2023 au 30 octobre 2024.
Cette affaire - cette « déstabilisation », estime un proche de la direction - intervient au plus mauvais moment pour le groupe électronique. La semaine dernière, ses dirigeants ont en effet annoncé un plan de départ volontaire de 2800 salariés sur trois ans. Une manière de répondre aux marchés face aux mauvais résultats financiers du groupe sur l’exercice 2024. Sur cette dernière année, le groupe connaît une forte baisse de son chiffre d’affaires (- 23 %) et subit une chute de 63,4 % de son résultat d’exploitation, passé de 4,6 milliards à 1,7 milliard d’euros. Résultat, en un an, le cours de Bourse a perdu la moitié de sa valeur. L'objectif affiché est de redresser la barre d’ici à 2027 avec un plan d’économies d’au moins 500 millions de dollars par an. On verra un peu plus loin qu’un plan d’économies ne suffira pas : le groupe doit faire face à de profondes difficultés stratégiques et à une concurrence féroce.
Une class action largement commentée en Italie
Le 7 février 2025, c’est La Stampa, le grand quotidien de Turin, qui dévoile le premier quelques détails sur la class action déposée auprès du tribunal de New York et qui rassemble des dizaines d’actionnaires. En Italie, La Stampa est une institution, représentant notamment les intérêts industriels du Nord du pays. Le quotidien a longtemps été contrôlé directement par le groupe Fiat (la famille Agnelli-Elkann, propriétaire du groupe Stellantis, contrôle désormais le quotidien turinois via un participation dans un groupe de presse qui comprend également La Repubblica, le grand quotidien de Rome). Autant dire que la partie italienne utilise opportunément ces révélations dans la presse pour déstabiliser un peu plus la direction française de STMicroelectronics, au moment où Trump envisage de taxer les semi-conducteurs.
Néanmoins, les accusations portées par les actionnaires américains sont particulièrement graves et méritent d’être soulignées. Dans le complément de plainte déposé le 21 janvier 2025 au Southern District Court de New York , on trouve de multiples éléments. Les plaignants accusent les dirigeants de STMicroelectronics d’avoir dissimulé les difficultés de l’entreprise entre 2023 et 2024, et d’avoir procédé à des prévisions financières trop optimistes trompant les investisseurs. Encore plus grave, leurs conseils accusent Jean-Marc Chéry et Lorenzo Grandi d’avoir profité de la situation en vendant pour 4,1 millions de dollars d’actions pour le premier, et 3,7 millions de dollars d’actions pour le second.
Dans leur plainte, les avocats estiment aussi que l’annonce de prévisions optimistes pour 2024 permettait à Jean-Marc Chéry de se maintenir plus facilement à la tête de l’entreprise alors que l’Etat italien ne le souhaitait pas comme j’en avais fait état l’année dernière. Et c’est effectivement bien l’un des arguments qu’avait utilisés Jean-Marc Chéry entre 2023 et 2024 auprès de ses actionnaires pour se faire reconduire : son éventuel départ risquait de susciter des remous sur le marché. « Cette menace sur le cours de Bourse était le raisonnement tenu par Chéry auprès du conseil de surveillance en janvier », nous rapportait un témoin, lors de cette première passe d’armes.
Le PDG Chéry menacé depuis plus d’un an
Il faut revenir en détail sur cette période. En mars 2024, la panique gagne l’état-major de STMicroelectronics : comme je l’avais dévoilé à l’époque, le ministère des Finances italien, co-actionnaire du groupe franco-italien, exprime soudainement sa défiance à l’égard du PDG français Jean-Marc Chéry, alors qu’en 2023 il avait été convenu entre la France et l’Italie que le dirigeant allait être confirmé dans ses fonctions pour un troisième mandat lors de la future assemblée générale. L’alerte, confirmée par l’agence Bloomberg, est sérieuse : la partie italienne réclame alors, dans un courrier envoyé à Nicolas Dufourcq, président du conseil de surveillance de STMicroelectronics et patron de la Banque Publique d’Investissement (BPI), la convocation de la holding de contrôle « STMicroelectronics holding NV » dans laquelle se logent les participations paritaires des États français et italien (À eux deux, ils détiennent 27,25 % du groupe, via la BPI pour la France), pour pouvoir négocier le futur vote lors de l’AG.
Quelques heures après mon article sur la volte-face italienne au sujet de Chéry, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a un échange téléphonique avec son homologue italien. Selon mes informations, lors de cet appel datant du 11 mars 2024, le ministre français plaide fortement pour le maintien de Chéry à son poste. Manifestement, cette mise au point politique entre la France et l’Italie sur l’avenir de la gouvernance de STMicroelectronics a permis au PDG français de sauver sa tête alors que les Italiens étaient pourtant bien décidés de mettre fin à ses fonctions. « Pour une fois Le Maire a été courageux », commente alors un bon connaisseur du dossier STMicroelectronics. Ce soutien de Bruno Le Maire en faveur du maintien de Jean-Marc Chéry à la tête du fabricant européen de semi-conducteurs, qui m’a été confirmé par l’entourage du ministre, a été, semble-t-il, déterminant.
Parmi les concessions accordées par les Français aux Italiens : les seconds ont obtenu des premiers que soit enfin nommé au directoire de STMicroelectronics un second membre de leur choix. C’était en effet une curiosité de la société franco-italienne : son directoire n’était jusqu’à présent composé que d’un seul membre, son président, en l’occurrence Jean-Marc Chéry. Je commente alors : « Une manière d’assurer une future transition en douceur ? En tout cas, on a assisté en ce printemps à un nouvel épisode de la gouvernance compliquée entre la France et l’Italie pour ce groupe de composants électroniques pourtant essentiel pour la souveraineté européenne.»
Le témoignage anonyme de huit anciens dirigeants
Si l’on en revient à la plainte déposée à New York, c’est bien au cours de cette période que tout s’est joué. Selon le récit fait par les avocats des actionnaires plaignants, le PDG de STMicroelectronics, Jean-Marc Chéry, et le directeur financier, Lorenzo Grandi, auraient su dès les premiers mois de 2023 que les prévisions pour l'entreprise, et en général pour le secteur des semi-conducteurs, s'aggravaient mais ils auraient ignoré ces signaux. Pire, ils auraient communiqué de fausses prévisions sur le marché masquant les difficultés qui émergeaient pour STMicroelectronics. Et c’est au cours cette période que les deux dirigeants ont vendu leurs actions de la société.
Les cabinets d'avocats américains ont ainsi lancé au cours des derniers mois des appels aux actionnaires potentiellement lésés les encourageant à participer à un recours collectif. Désormais, le juge new-yorkais doit décider s'il autorise ou non l'enquête. Dans leur plainte, les avocats ne se limitent pas à une analyse juridique et relaient ainsi les témoignages anonymes de huit anciens dirigeants de STMicroelectronics. Le témoin le plus important a dirigé entre 2012 et 2023 la filiale ADG (The Automotive & Discrete Group). S’agit-il de Marco Monti, écarté du groupe informatique par Jean-Marc Chéry début 2024, et neveu de l’homme politique Mario Monti (ancien président du conseil des ministres entre 2011 et 2013) ? C’est ce que semble penser La Stampa.
En tout cas, ce témoin apporte des éléments très détaillés sur le déroulement de ces derniers mois au sujet de la gouvernance de STMicroelectronics. Dans la plainte, il est expliqué : « Au cours de l'année 2023, le témoin 1 a assisté à des réunions mensuelles avec environ 25 cadres de haut niveau, dont Chéry, qui a présidé les réunions. Selon le témoin 1, lors de ces réunions, ils ont discuté des prévisions, de la visibilité de la demande, des rapports et des informations à rendre public. Au cours de ces réunions le témoin 1 a dit à Chery que ST devrait rendre compte publiquement des prévisions qui étaient compatibles avec le marché des semi-conducteurs en général ». De plus, le même témoin affirme avoir « averti Chéry que les engagements rendus publics envers les investisseurs au cours des troisième et quatrième trimestres de 2023 ne pouvaient pas être maintenus sur la base d'informations déjà connues de la société ». De fait, pour le reste de l'année 2023 et 2024, la tendance à la baisse s'est réalisée. Le témoin assure aussi s'être plaint formellement auprès du PDG Jean-Marc Chéry et du chef d’exploitation, Alain Dutheil, après « avoir découvert que le personnel commercial de ST offrait des remises excessives aux clients pour augmenter les ventes dans le secteur ADG [la division que témoin 1 a présidée], sans son approbation ».
Une « fraude » ou des « allégations » non pertinentes ?
Un comportement qui aurait « gonflé les ventes et rempli les circuits de distribution de l'entreprise pour cacher la baisse de la demande », selon le témoin 1 cité dans la plainte, qui ajoute : « ce schéma de remplissage des circuits de distribution a créé une bulle laissant apparaître faussement une meilleure performance financière tout au long de l'année 2023 ». Et les avocats d’asséner dans leur plainte : « Chéry et Grandi ont profité du cours artificiellement gonflé des actions de ST et du manque d'informations aux investisseurs sur le problème croissant de la demande auprès de ST pour vendre un total de près de 8 millions de dollars d’actions ». Dans leur démonstration, les avocats tiennent à souligner le caractère exceptionnel de ces transactions pour mieux y déceler une intention frauduleuse : « Ces bénéfices de la vente d'actions dépassent de loin le salaire de 1,21 million de dollars de Chéry en 2023. En violation de leur obligation de divulguer toutes les informations importantes ou de s’abstenir de toute transaction [durant cette période] les accusés ont continué à tirer profit des ventes d’actions d’une manière qui ne correspondait pas à leur historique de transactions sur une période comparable (…) Ces transactions disproportionnées réalisées par ces deux personnes renforcent l’hypothèse d’une fraude ».
Cette class action à New York visant les deux principaux dirigeants de STMicroelectronics pousse finalement le groupe à réagir médiatiquement auprès de La Stampa le 11 février, soit quatre jours après leur premier article. En France, le groupe dénonce des « allégations » tout en rappelant que l’entreprise « ne commente pas les litiges en cours ». Voici ainsi le message que je reçois d’une attachée de presse de ST, deux jours après avoir sollicité la direction de communication du groupe :
« Concernant une action en justice intentée aux États-Unis contre notre entreprise et certains de ses hauts dirigeants, alléguant une violation de la loi américaine sur les valeurs mobilières, il est important de comprendre qu’il ne s’agit actuellement que d’allégations et que les procédures judiciaires sont imprévisibles. L’entreprise considère qu’elle dispose de solides moyens de défense contre ces allégations et se défendra avec détermination devant les tribunaux. Selon sa politique corporate, l’entreprise ne commente pas les litiges en cours ».
Le 10 février 2025, trois jours après l’article de La Stampa, j’avais en effet envoyé le SMS suivant au directeur de la communication de STMicroelectronics avec lequel j’avais déjà échangé l’année dernière :
« Souhaitez-vous faire un commentaire ou apporter des précisions au sujet de la class action déposée devant un tribunal de New York contre les dirigeants du groupe, le PDG Jean-Marc Chéry et son directeur financier Lorenzo Grandi ? Les accusations sont graves, elles vont jusqu’à dénoncer un délit d’initiés des dirigeants. Bien cordialement »
Je n’avais alors reçu aucune réponse.
Nouvelle offensive contre le Français Chéry
Un mois plus tard, à la mi-mars 2025, le gouvernement italien va de nouveau lancer une offensive contre les dirigeants de STMicroelectronics, et en particulier Jean-Marc Chéry. On apprend ainsi, via le Sole24Ore, que l’État italien a l’intention de bloquer chaque délibération au conseil de surveillance de ST s’il n’y a pas un accord avec l’État Français pour faire partir Chéry et Grandi. Le gouvernement italien dit vouloir utiliser son droit de veto pour bloquer les résolutions du conseil et les nominations, mais le journal souligne toutefois que la partie italienne n’y dispose pas de la majorité absolue. L’idée est plutôt de faire pression sur la France pour entamer des négociations « à des niveaux supérieurs », entre les ministres de l’Économie de chacun des deux pays actionnaires, ou même entre les chefs de gouvernement. Dans son article, le Sole24Ore dénonce par ailleurs une « gestion douteuse » de l’entreprise, « qui a ramené la valeur des actions à moitié en un an, à une série d'avertissements sur les comptes suivis d'un plan de licenciements sans nouvelles perspectives de croissance ». Bref, en Italie, la campagne de presse contre les dirigeants actuels de ST bat son plein.
Quelques jours plus tard, le 19 mars Maurizio Tamagnini démissionne du conseil de surveillance. Cette démission avait été annoncée quatre jours plus tôt dans La Stampa, dont les journalistes sont décidément bien informés :

À la suite de cette démission, la passe d’armes entre la France et l’Italie s’est intensifiée. Le conseil de surveillance de l’entreprise a ainsi refusé de désigner en son sein Marcello Sala, directeur général du département économique du ministère italien des Finances, et proche de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni. Ce refus a mis le feu aux poudres. Le ministre italien des Finances, Giancarlo Giorgetti, qualifie cette décision d’« incompréhensible, très grave et inacceptable ». En réaction, l’entourage de Chéry commente en off : « C’est du Trump italien ! ». Puis, le 9 avril, Giorgetti annonce que l’État italien souhaite retirer sa confiance à Jean-Marc Chéry.
Le ministre italien reprend les termes de la class action
Comme nous l’apprend une dépêche Reuters, Giorgetti convoque alors à Rome une conférence de presse. Devant les journalistes, le ministre italien ne mâche pas ses mots en soulignant que l’opposition de son gouvernement à l’encontre des dirigeants de STMicroelectronics est en réalité une réaction au « comportement du management, qui a vendu ses actions la veille de la publication des résultats négatifs ». Une attaque frontale et une référence explicite à la class action américaine… Quelques heures plus tard, le conseil de surveillance confirme pourtant dans ses fonctions Jean-Marc Chéry, et le cours de bourse remonte légèrement. « Pour le moment, le gouvernement français soutient Chéry », souffle un soutien de Jean-Marc Chéry. Pour combien de temps ?
En réalité, ces tensions entre la France et l’Italie n’apparaissent pas aujourd’hui. Cela fait longtemps que l’Italie exprime son impatience de voir des investissements du groupe informatique se concrétiser sur la péninsule. En octobre 2023, la direction de STMicroelectronics avait ainsi communiqué sur la construction d’une nouvelle usine dans les prochaines années sur le site de Catane en Sicile, alors que les investissements sur le site français de Crolles près de Grenoble sont de plus en plus contestés par les Italiens. L’insatisfaction italienne s’est également nourrie du départ de deux hauts cadres italiens du groupe ces dernières années : en 2018, l’ancien directeur financier Carlo Ferro a pris la porte avec le départ du PDG Carlo Bozotti, et comme je l’ai rappelé un peu plus haut, au début 2024, Chéry a écarté Marco Monti.
En 2018, Giorgia Meloni n’est pas au pouvoir. Mais les relations entre la France et l’Italie sont alors excécrables. Emmanuel Macron vient d’être élu président de la République, et il s’empare de deux dossiers qui vont immédiatement tendre les relations avec Rome : le nouvel exécutif français s’empare du dossier diplomatique de la Libye d’une manière tonitruante, et sans concertation européenne, alors que c’est une ancienne colonie italienne, et l’Élysée s’oppose au projet de fusion entre le chantier naval STX de Saint-Nazaire avec l’italien Fincantieri pourtant arbitré par François Hollande (une fusion qui suscite l’opposition de l’armateur italo-suisse MSC, un des principaux clients de STX, et dont la famille propriétaire, les Aponte, est cousine avec Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée).
Entre Rome et Paris, le dossier STX percute alors le dossier STMicroelectronics. Au final, la fusion entre Fincantieri et STX ne se fera pas, et la France obtiendra de pouvoir nommer Nicolas Dufourcq, le patron de la BPI, à la présidence du conseil de surveillance de STMicroelectronics (alors que ce dernier visait la direction du groupe qui échoie finalement à Chéry). En contrepartie, le groupe électronique annonce la construction d’une nouvelle usine à Milan d’1 milliard d’euros. Ce qui fait dire à un Français bon connaisseur de ST : « À l’époque, la France a peut-être récupéré la direction de l’entreprise mais une bonne partie des investissements ont été fléchés vers l’Italie, contrairement à ce que disent les Italiens aujourd’hui ».
STMicroelectronics à la recherche d’une nouvelle stratégie
Aujourd’hui, la défiance italienne à l’égard de Jean-Marc Chéry intervient surtout dans un contexte difficile pour le groupe alors que le marché des semi-conducteurs s’est retourné depuis 2023 : après deux années de pénurie entre 2021 et 2022, la surproduction guette le secteur. Résultat, alors que le groupe américain GlobalFoundries (détenu par un fonds souverain émirati) devait investir avec STMicroelectonics dans la méga-usine de Crolles avec un projet de 7,5 milliards d’investissement, ce partenaire stratégique a finalement annoncé une baisse des investissements dans les prochains mois auprès de la direction du groupe franco-italien. Sur ce projet, l’État français a pourtant été autorisé par Bruxelles à subventionner le projet à la hauteur de 2,9 milliards d’euros. Ces aides publiques ont d’ailleurs suscité de récentes interrogations de sénateurs lors d’une audition de Jean-Marc Chéry :
Loin des rêves soudains de souveraineté stratégique de la Commission européenne et d’Emmanuel Macron, les fabricants européens de semi-conducteurs, même s’ils ont parfois conservé leurs chaînes de production sur le continent, se sont spécialisés sur des secteurs particuliers, comme celui de l’automobile, se concentrant sur des circuits intégrés pas forcément les plus évolués. C’est pourquoi, la production du groupe se répartit, en fonction des coûts et technologies, entre l’Europe, Singapour et même Shenzhen en Chine pour les circuits les plus low cost. En France, les technologies les plus innovantes sont d’abord le résultat des recherches du Leti (Laboratoire d'électronique et de technologie de l'information) du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), pionnier dans les domaines des micro et nano-technologies, et situé à Grenoble. Sur le marché des puces les plus innovantes, le groupe STMicroelectronics gravait jusqu’en 2023 des puces entre 22 et 28 nanomètres, et même s’il a réussi une percée l’année dernière à 18 nanomètres, les Taïwanais et les Américains gravent des puces bien plus évoluées entre 10 et 5 nanomètres, et très bientôt 2 nanomètres.
Face aux géants américains, coréens et taïwanais du secteur, STMicroelectronics a donc un retard considérable à combler pour jouer un rôle de pivot européen dans le cadre d’une stratégie non ITAR (International Traffic in Arms Regulations, la réglementation américaine qui contrôle la fabrication, la vente et la distribution d'objets et de services liés à la défense et à l'espace). Dans ce contexte, STMicroelectronics est à la croisée des chemins. Faut-il entamer un rapprochement avec un groupe américain comme ON Semiconductor ? Faut-il mettre un terme à l’alliance entre la France et l’Italie comme certains poussent Meloni à le faire ? Ou au contraire trouver un nouveau rapprochement européen, par exemple avec le groupe hollandais NXP (ex-Philips) ? Si l’Europe veut subsister dans le monde de demain, elle ne pourra faire l’économie d’une stratégie industrielle à l’échelle du continent alors que les Allemands ont joué solo ces dernières années avec Infineon.
Ainsi, hier en fin d’après-midi, Les Echos ont publié un long article sur la situation de STMicroelectronics dans lequel ils finissent par consacrer une seule ligne à cette affaire… Une seule ligne et sans en préciser les contours.
D'où les 2,9 milliards d'argent public dont Bercy refuse de parler...
https://www.eclaireur.eu/p/stmicroelectronics-ou-sont-passes
PS; la class action est disponible publiquement, comme tous les documents judiciaires aux USA :D
Quel mic mac. Pour apprendre au bout du compte l’incroyable retard accumulé dans ce domaine.Difficile à croire qu’il peut encore être rattrapé.